La très confortable réélection de Guy Arcizet, 68 ans, au siège de grand maître du Grand Orient de France, dans la nuit de jeudi à vendredi, à Vichy, signifie que cette première obédience maçonnique française retrouve sa sérénité mais aussi qu'elle resserre les rangs en vue des débats de la campagne présidentielle.
«Nous n'allons pas prendre position et sûrement pas dire pour qui voter», confie au Figaro
le grand maître de cette obédience réputée majoritairement à gauche.
Mais «nous allons interpeller les républicains, à gauche comme à droite,
pour une vraie philosophie politique, sans compromission».
Cette
orientation, en tout cas, a permis le retour au calme dans l'obédience.
Elle subit de fortes turbulences ces dernières années, à la faveur du
débat sur l'initiation des femmes dans les loges mais aussi, en coulisses, sur la conduite à tenir vis-à-vis de l'actuelle gouvernance de la France.
Une relative bienveillance à l'égard de Nicolas Sarkozy
avait notamment coûté sa réélection, l'an passé, au grand maître Pierre
Lambicchi, dont le rapport moral avait été tout simplement rejeté.
Celui de Guy Arcizet vient d'être approuvé à 88 %. Ce médecin
généraliste à la retraite a été réélu pour un second mandat
d'un an par 30 voix sur les 35 membres du conseil de l'ordre. Sa
«philosophie politique», il la décline autour de «questions sociétales».
Qu'il entend d'ailleurs remettre au cœur des préoccupations du Grand
Orient.
Au centre, se trouve la défense de la laïcité. Constante
de la franc-maçonnerie. Elle a provoqué, en mai dernier, une passe
d'armes avec le cardinal André Vingt-Trois, président des évêques. Le
Grand Orient avait alors attaqué publiquement l'intervention publique de
l'Église catholique quand le Parlement révisait les lois de bioéthique.
«Il y a eu un certain malentendu, précise aujourd'hui Guy Arcizet, la
laïcité promeut la liberté de pensée et de culte qu'il faut garder et
protéger». Sur ce terrain, l'islam n'est pas loin. Il en a été question,
vendredi, au convent de Vichy car, explique le grand maître, «il ne
faut pas enfermer cette religion dans une caricature et en faire la
cause de tous les maux de la société. Il faut au contraire l'envisager
de manière pacifiée».
Néanmoins, en juin, Guy Arcizet a fait
adopter une «Charte des valeurs» du Grand Orient qui «condamne toute
ingérence religieuse dans la conduite des affaires de l'État ».
À
côté de cette vigilance classique sur la laïcité, quatre priorités se
profilent. La pauvreté : «On assiste à une détérioration du climat
social, observe Guy Arcizet, mais on nous explique que l'économique a
désormais pris le pas sur le politique. En attendant, les difficultés
des hommes et des femmes ne sont pas suffisamment prises en compte.»
Autre
thème, «l'exclusion». Ce médecin du «9-3» voit «revenir dans la société
une grande fragilité du statut de l'être humain». Prônant «la
solidarité», il trouve «étrange» la toute récente affaire des Roms
déplacés dans des trains, redoutant là «des effets d'annonces et
d'exhibition, dangereux pour tous».
Troisième souci, «les
jeunes». Ils seraient, selon lui, «exclus du débat» ou «seulement
entendus quand ils sont violents». L'obédience lance l'idée de créer un
«revenu d'existence jeune» non pour leur «subsistance mais pour leur
donner des moyens de poser des choix».
Enfin, «l'Europe». Des
contacts sont pris avec le Grand Orient belge, assure Guy Arcizet, «pour
mener un lobbying au niveau de la communauté européenne autour des
valeurs de la démocratie». En arrière-plan, le spectre de «la montée des
nationalismes». En mai dernier, le Grand Orient avait lancé un appel
solennel contre le populisme. «Avant qu'il ne soit trop tard.»
Fonte: Le Figaro